Cyril ETESSE

Cyril ETESSE

COMEDIEN HUMORISTE



Spectacle surréaliste en 2013

07 septembre 2014
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Des fois, quand tout se passe bien, mon côté maso remonte un peu à la surface et pour je ne sais quelle raison, je me remets à penser à certains des plans les plus pourris que j'ai pu effectuer dans ma carrière.
Les plus mémorables sont en général ceux qu'on vit quand on débute (je te renvoie, lecteur assidu, aux débuts de ce blog pour en lire quelques-uns), parce qu'on apprend le métier et que forcément on est naïfs et qu'on tombe dans des pièges... C'est un peu plus contrariant quand on se fait avoir avec un peu de bouteille au compteur. Le plan qui me revient en mémoire aujourd'hui est surréaliste et date de 2013. Autrement dit, hier.

A l'époque de cette histoire, j'ai intégré l'émission "On n'demande qu'à en rire" depuis un petit moment. J'en suis d'ailleurs alors déjà devenu pensionnaire. Autrement dit, sans me la péter, j'ai acquis à ce stade une relative petite notoriété qui me permet de jouer convenablement ici et là dans des salles souvent remplies. C'est super et c'est l'un des gros avantages de la médiatisation.
Ce jour-là, j'étais donc programmé pour deux soirs dans un théâtre de Nice, dont je tairai le nom, pour la troisième fois dans son existence. Nice est une ville un peu maudite pour moi. A chaque fois que j'y ai joué, il y a eu quelque chose de spécial. Rien de dramatique, mais spécial. Soit j'annulais, soit je remplissais peu, soit ça ne passait pas du tout avec le public... L'une de mes 1eres fois dans cette ville, c'était pour la toute première version de Shaolin? Je rodais le spectacle et ce soir-là, il n'avait pas pris... A tel point que la responsable du lieu de l'époque vient me voir à la fin du premier soit et me demande "il parait que ton premier spectacle était bien... Tu veux pas jouer celui-là à partir de demain plutôt ?" ...Le truc adorable et motivant lol.
Bref, il y a un truc dans l'air entre Nice et moi, mais je suis du genre à m'accrocher et à vouloir conjurer le sort.
Les deux premières fois où j'ai joué dans le lieu qui nous intéresse ici, ça s'était convenablement passé. J'avais bien sympathisé avec l'un des deux responsables, Monsieur R. (dont je tairai le nom, donc) et même si le public avait été peu nombreux, on avait passé de bons moments. La deuxième fois d'ailleurs, on avait rempli... C'était un peu après mes débuts à Ondar et l'une des seules fois où vraiment je cartonnais à Nice. Comme quoi, ne jamais désespérer...

Pour cette troisième visite, je suis informé quelques semaines avant (ou quelques mois je ne sais plus) que Mr R. a quitté le lieu, après un désaccord avec son partenaire. En gros, de ce que je comprends, toute l'équipe a changé... Ça m'embête parce que j'adorais Mr R. et c'est toujours emmerdant d'aller dans un lieu qu'on aime et qui a perdu un peu de son âme... Mais bon, la programmation est maintenue, et après tout, voyons ce que ça donnera...
J'arrive avec Max sur le lieu. Deux spectacles se joueraient sur les deux soirs. Celui d'une amie comédienne à 19h, le mien à 21h. On arrive, on entre... Plusieurs personnes de la gestion de l'endroit sont assises et sont en réunion. Pas un bonjour, pas un merde... Rien ! On se regarde avec Max, avec la copine comédienne et on se dit que même si on gêne manifestement, un minimum de politesse n'est pas superflu.
L'un des gars daigne nous approcher. "Désolé, on est en réunion, mais installez-vous, on va voir pour vos régies"... Heu ok.
On discute avec notre amie et d'un coup on réalise un truc. Max et moi venons de Marseille, la copine de Montpellier. Or d'habitude, le théâtre loge les artistes dans une pièce côté coulisses... Sauf qu'il n'y a de place que pour deux personnes grand maximum. On se dit qu'ils ont prévu une deuxième chambre, un hôtel ou je ne sais quoi... Le gars de tout à l'heure revient vers nous, on lui pose la question et manifestement il est très surpris. Si pour moi et Max il n'y a pas de problème, il avait l'air de penser que la copine rentrerait le soir chez elle à Montpellier... Ça commence !
Et là, c'est le drame...

C'est une scène surréalise qui se tient alors. Et je vous jure que c'est vrai. Le gars nous prend tous les trois à part, et il s'excuse déjà pour l'accueil. Et là, il se met à pleurer ! "On a plein de problèmes en ce moment, en particulier le fait que quelqu'un fait du tort au théâtre en arrachant nos affiches de spectacle la nuit."
Maintenant qu'il le dit, je réalise que je n'ai pas vu une seule de mes affiches que j'avais envoyé. Les boules. "En plus on sait qui c'est et ça m'ennuie parce que tu le connais bien" me dit-il... Là je comprends qu'il accuse clairement Mr R. ...Or je le connais bien et même en admettant qu'il ait des comptes à régler, je le vois mal aller s'emmerde la nuit à déchirer mes affiches.
Je dis à l'individu (nous l'appellerons "le pleureur") qu'on va en rester là, que leurs histoires ne me regardent pas et sur ce, on s'installe. La copine dormira sur un matelas gonflable de fortune derrière la scène, tandis que Max et moi nous partageons un lit peu confortable dans la pièce dédiée. Chaotique. Je ne sais même pas si on a pas du se payer à bouffer car rien n'était clairement prévu...

Je passe les détails. On joue en pleine époque de carnaval. Ça ajouté à l'absence totale de com', autant dire qu'on a joué devant un nombre réduit de spectateurs. Le dimanche, on s'apprête à repartir prendre le train et à laisser les clefs du théâtre à l'endroit prévu à cet effet pour que notre hôte puisse les récupérer. Et là, je ne sais pas pourquoi, il me vient l'envie d'aller dans la remise, derrière le bar, pour je ne sais plus quelle raison... Je suis sûr que tu as deviné ce que j'ai découvert à cet endroit, cher lecteur... Oui !!!!!! Un gros tube contenant toutes mes affiches !!!
Je suis partagé entre la colère, le dépit et le fou rire après ce week-end surréaliste, livrés à nous-mêmes, sans une once de professionnalisme ou d'intérêt pour le spectacle et les artistes de la part de nos hôtes et une absence affligeante de communication. Il ne suffit pas de compter sur les passages TV d'un artiste et sur une pub facebook pour remplir une salle. Il faut se battre pour l'annoncer massivement aux gens, dans une ville ou l'abondance artistique existe bel et bien.

Je me dit que je suis maudit à Nice et dans ma tête je me dit que je ne rejouerai jamais dans un lieu qui n'a pas fait son travail, a menti et a craché sur un type adorable qui avait beaucoup donné au lieu en question.
Quelques semaines après, je suis contacté par quelqu'un travaillant dans ce petit théâtre. "Mr Etesse, je crois qu'on vous doit des sous, non ?" ...Heu oui plutôt. Pas des masses, mais en effet j'attends toujours mon chèque. "On a du retard car nous avons des soucis. Le pleureur est parti avec la caisse........"

Pour finir, j'ai eu mon petit chèque. Je ne sais pas ce que le pleureur est devenu... Je ne sais même pas si je le reconnaîtrais aujourd'hui, tellement je l'ai peu croisé. La direction du théâtre s'est confondue en excuses et c'est toujours appréciable, même si cette histoire est totalement surréaliste ! Une tragédie n'allant pas sans l'autre, le lieu a depuis fermé. Il restera donc pas mal de souvenirs, même si les bons sont un peu écartés par ce week-end de la 4eme dimension !

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