La réputation du Balladin, café théâtre de Gap ouvert au début des années 90, a largement voyagé. Tout le monde s'accordait à dire que c'est un lieu où il fallait jouer, où l'accueil et le public étaient particulièrement chaleureux. Le mot se passe vite dans notre profession : "Il faut que tu ailles chez Robert Oddon à Gap" !
Tout le monde te connait dans le métier, Robert. Bon, tu n'es pas toujours facile à joindre... Toujours très demandé, ton lieu, qui a vu démarrer Jamel Debouzze (c'était ta fierté), mais aussi d'autres noms qui ont fait du chemin depuis, était un de ces endroits magiques où nous avons tous des souvenirs...
Les ballades en montagne avec tes chiens, adorables toutous malades et presque aveugles (j'imagine qu'ils ne sont plus parmi nous hélas aujourd'hui) mais tellement gentils et attachants, comme tous les chiens... Le logement à l'étage au-dessus du théâtre, petit appartement où chacun avait son intimité... Et puis, on était à côté de ta maison où on venait manger entre amis ou boire le café.
C'est ton lieu, le Balladin, et plus que n'importe qui ou n'importe quoi, tu le porte et l'incarne. Je t'ai connu boulanger. Tu te levais à l'aube pour préparer le pain après avoir du dormir quelques heures juste après la fin du spectacle que tu avais programmé la veille. Tu as fini par stopper cette activité pour te consacrer exclusivement au café théâtre qui était ta passion. Et tu nous aimes tant, nous les petits artistes de passage.
Tu dis souvent que tu as de la chance de nous croiser mais c'est nous qui avons de la chance de jouer chez toi. Sur ta simple confiance, ta simple gentillesse. Pas une fois je ne t'ai vu demander un dossier de presse, un DVD. Parfois tu programmais sur simple recommandation d'un copain humoriste. Parfois, quand le public n'avait pas été assez nombreux, tu n'hésitais pas à donner un peu plus à l'artiste en plus du remboursement des trajets.
Et on en a fait des belles de soirées. Sans compter les moments de vie. Ces petits moments d'amitié qui te font oublier que, parfois, le piublic n'était pas toujours nombreux... La difficile vie d'un café théâtre qui continue d'exister et de survivre sans subvention, sans aide...
En faisant mes archives, je suis retombé sur cet article que tu m'avais fait avoir dans un magazine local. C'était une belle interview. Le texte en accroche (voir plus haut) ne mentait pas : La profession toute entière était attachée au balladin Gapençais qu'est Robert Oddon. C'était en pleine époque de On n'demande qu'à en rire. Tu étais si heureux que j'y marche bien et que je remplisse ta salle grâce à ce succès, après un premier passage chez toi il y a de nombreuses années où il avait été difficile d'avoir une large foule. C'est que derrière un air parfois un peu pince-sans-rire, tu as une sacré générosité. Un sacré dévouement. Une vraie gentillesse... On avait alors évoqué cette envie de monter un festival à Gap. Une grande soirée. Tu voulais y faire jouer tous nos copains. Tu souhaitais y revoir Jamel qui a démarré chez toi. Ce projet était magnifique. On s'est promis qu'un jour, il se ferait...
Mon cher Robert. J'écris cet article et seuls mes souvenirs sont au passé.
Je n'arrive pas à parler de toi autrement qu'au présent.
Je ne m'imagine pas qu'aujourd'hui, tu es parti.
Combien il va être difficile de repasser par Gap maintenant. De repasser par le Balladin et de ne plus y entendre ton rire ou simplement taper la discussion et refaire le monde.
Nous avons tous fait des rencontres importantes dans ce métier. Nous avons fait aussi de belles rencontres. Tu fais partie de celles qui sont à la fois importantes et belles.
Je pense que tu me pardonneras si je te dis que le sketch que tu viens de nous faire à tous est de loin le moins drôle que tu aies programmé...
A jamais dans mon coeur. A jamais dans nos coeurs.
Mon cher Robert...